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Écrit par F. Thénard   

VISITE DANS UNE FABRIQUE DE TIMBRES - POSTE

 

Les timbres-poste imprimés chaque année en France atteignent un chiffre voisin de trois milliards. Un matériel perfectionné est utilisé pour cette fabrication.

         Dans un règlement de la petite poste de Paris, datant de Louis XIV, et mis en vigueur le 18 août 1654, on lit :

« On fait assavoir à tous ceux qui voudront escrire d’un quartier de Paris à un autre, que lettres, billets, mémoires, seront fidèlement portés, et diligemment rendus à leur adresse, et qu’ils en auront promptement réponse, pourvu que lorsqu’ils escriront, ils mettent avec leurs lettres un billet qui portera : port payé, parce qu’on ne prendra point d’argent, lequel billet sera attaché à   ladite lettre, de telle sorte que le commis puisse le voir aysément »


  C’est probablement là qu’il faut trouver la première idée de l’affranchissement des correspondances. C’est déjà le timbre. Mais un timbre attaché.

            Le timbre collé est une idée britannique. Son auteur est Sir Rowland Hill qui, le 13 février 1837, proposa d’employer «un petit carré de grandeur suffisante pour recueillir le timbre postal » et qui «pourrait être enduit sur son autre face d’une colle légère qui permettrait à l’acheteur de le fixer au dos d’une lettre».

            Le 10 janvier 1840, la poste britannique créait son premier timbre, le penny black, qui coûta 10 centimes.

penny_bk

Le premier timbre français devait paraître neuf ans plus tard, le 1er janvier 1849.

            La fabrication en fut d’abord confiée à des particuliers, mais, en novembre 1872, on adopta le principe de la fabrication des papiers fiduciaires par l’Etat lui-même. Dés le 1er janvier 1876, on commença la fabrication des timbres-poste dans un atelier du 36 de la rue d’Hauteville.

            Cet atelier fut bientôt trop exigu, en raison de l’accroissement des correspondances, et l’on construisit alors des ateliers du boulevard Brune. C’est là qu’est la fabrication des timbres-poste. Une visite aux ateliers du boulevard Brune est instructive.

            La fabrication des timbres-poste, effectuée sous la direction de M. Dumoulin, comporte, en dehors des travaux de gravure et de clichage, trois opérations successives : l’impression, le gommage et la perforation.

            A chaque émission d’un nouveau type de timbre-poste, le dessin choisi par l’administration est confié à un artiste graveur chargé d’établir «le coin original », c’est-à-dire d’exécuter une gravure en relief ayant les dimensions de la figure adoptée et comportant une réserve à la place où devront figurer les chiffres indicateurs de la valeur.

            Lorsqu’il sort des mains du graveur, ce coin unique, généralement en métal, quelquefois en buis, doit être reproduit à un certain nombre d’exemplaires. A cet effet, on utilise les procédés ordinaires de la galvanoplastie : on prend, sur la gravure originale, des empreintes en plomb si le coin est en métal ou en cire s’il est en bois, et on fait déposer par l’électrolyse sur ces empreintes une couche de cuivre d’épaisseur convenable. Chacune de ces coquilles de cuivre est séparée de son empreinte, puis soudée sur un bloc d’acier, et enfin remise à l’artiste qui grave la valeur correspondante Elle prend alors le nom de «poinçon-type avec valeur»

Les travaux de clichage ont pour but de multiplier le poinçon-type avec valeur et d’établir, en nombre suffisant, les planches ou clichés nécessaires à la confection des timbres-poste. On a limité à 50 le nombre d’empreintes en plomb à demander au poinçon-type.

Avant leur mise au bain, ces 50 empreintes sont assemblées en deux rectangles de 25 pièces chacun, puis recouverte au verso d’un enduit isolant destiné à maintenir l’adhérence des diverses pièces entre elles, et à empêcher tout dépôt de cuivre sur la face opposée à la gravure.

Pendant longtemps, les clichés ont été obtenus par moulage à la gutta-percha. A ce procédé abandonné depuis quelques années, on a substitué un procédé nouveau dit «à la cire» à l’aide duquel on effectue en quelques heures un travail qui, autrefois aurait demandé près de huit jours.

On divise généralement les différents modes d’impression en trois catégories :

1° Les impressions en taille-douce ;

2° Les impressions lithographiques ;

3° Les impressions typographiques.

C’est par les procédés typographiques que les timbres-poste sont imprimés. En principe, il suffit de déposer le cliché sur un marbre plan, d'encrer convenablement les reliefs de la gravure et de recouvrir celle-ci d’une feuille de papier sur laquelle on exerce une pression suffisante pour obtenir le décalque.

Jusqu ‘en 1900, on a utilisé pour l’impression des timbres-poste la «presse à platine», imaginé par Napier, de Londres. Cette presse est caractérisée par deux particularités : la première, c’est que l’impression se fait à plat ; la seconde, c’est que la machine, avec sa pression plate et son encrage à double, donne d’excellents résultats au point de vue de la bonne exécution des tirages ; mais par contre, elle a un faible débit.

Pour répondre à ces exigences nouvelles, on a eu recours, en 1900, à la «presse en blanc à pression mixte», c’est-à-dire comportant, d’une part, un marbre animé d’un mouvement alternatif horizontal et supportant la forme, d’une part un cylindre de pression animé d’un mouvement circulaire et supportant le feuille de papier. Les papiers de ce genre sont dites «presses en blanc à arrêt de cylindre». Parmi celles qui sont en service boulevard Brune, les unes sont du système Lambert à encrage mixte, les autres ont été construites par la maison Alauzet et comportent un encrage exclusivement cylindrique.

Lors de l’abaissement du tarif des lettres en 1906, la consommation des timbres-poste s’est accrue dans de telles proportions qu’il a fallu compléter l’outillage par des machines d’un rendement encore plus élevé. On s’est arrêté à un nouveau type de pression dite «presse à blanc à deux tours de cylindre», parce que son cylindre, animé d’un mouvement de rotation continu, exécute deux tours complets pour effectuer l’impression d’une feuille.

On conçoit que la machine «deux tours» peut aller à une allure plus rapide. Mais il devient nécessaire, avec ces machines-là, de tenir compte des forces d’inertie ; c’est pourquoi un dispositif spécial est employé pour atténuer les chocs au moment du renvoi du marbre. Le système d’encrage est à table plate, mais les distributeurs et les toucheurs sont commandés par des pignons évitant les glissements nuisibles qui essuient au lieu d’encrer. Un dispositif mécanique dit «de sortie de feuilles» reçoit les feuilles imprimées dès qu’elles sont abandonnées par le cylindre et va les déposer sur la table de réception.

Les machines en blanc ne peuvent donner que des impressions monochromes (timbres-poste de 1 à 35 centimes). Pour la fabrication des figures qui doivent être imprimées en deux couleurs juxtaposées (timbres de 40 centimes à 5 francs), l’atelier utilise la machine à deux couleurs système Lambert. L’atelier du boulevard Brune possède une autre machine à deux couleurs, système Alauzet, dans laquelle les deux impressions, correspondant aux deux marbres, se font sur un cylindre de pression unique.

Pendant longtemps, le gommage des feuilles de timbres-poste a été effectué à l’aide d’une machine spéciale, comportant une bassine remplie de gomme liquide, une série de rouleaux distributeurs, et un cylindre analogue à celui des machines à imprimer. Dès que la feuille à gommer était saisie par les pinces du cylindre, celui-ci se mettait en mouvement et, après avoir exécuté deux tours complets, s’arrêtait pour laisser le temps nécessaire à l’ouvrier margeur de présenter la feuille suivante. Ce temps d’arrêt était mis à profit par un autre ouvrier pour dégager du cylindre la feuille gommée et la déposer à plat sur les claies en bois. Le séchage s’opérait à l’air libre et sa durée était subordonnée à la température de l’atelier et à l’état hygrométrique de l’air ambiant.

La modification importante apportée à cette machine réside dans la suppression du temps d’arrêt du cylindre. Dans les machines modernes, telles qu ‘elles fonctionnent boulevard Brune, le cylindre est animé d’un mouvement de rotation continu, mais deux révolutions complètes sont encore nécessaires pour effectuer le gommage d’une feuille. Quant au mode de séchage indiqué plus haut, il est presque complètement abandonné aujourd’hui et les claies sont remplacées par un séchoir mécanique faisant suite à la machine à gommer. Ce séchoir est constitué par une série de tambours sur lesquels glissent deux chaînes d’un modèle spécial qui entraînent les feuilles gommées. Celles-ci effectuent leur trajet à une faible distance de ventilateurs à ailettes et de caissons en tôle chauffés par des rampes à gaz.

Le parcours total de 120 mètres est effectué en moins de dix minutes. Au bout de son voyage, la feuille de timbres est sèche.

Les timbres-poste français ne sont perforés que depuis 1862. Les premières machines dont on s’est servi pour obtenir la perforation étaient d’origine anglaise ; elles ont subi, depuis quelques modifications de détail, mais le principe lui-même n’a pas changé.

Les organes essentiels de la machine à perforer actuelle sont :

1° Une platine animée d’un mouvement alternatif vertical et agissant sur des poinçons en acier qui font l’office d’emporte-pièce. Ceux-ci sont groupés en un certain nombre de lignes se coupant à angle droit et formant des carrés égaux chacun à la dimension d’un timbre à pointiller ;

2° Un sommier fixe portant une plaque motrice en acier percée de trous dans lesquels pénètrent les poinçons quand la platine s’abaisse ;

3° Une crémaillère à dents de loup commandée par un cliquet d’avancement et à un doigt de retenue.

Les feuilles à perforer sont superposées au nombre de cinq, dans un châssis qu’on peut rendre solidaire de la crémaillère et dans une position telle que la rangée des figurines placées en haut de la feuille se trouve entre les poinçons et la matrice.

Lorsque le châssis est en place, la platine s’abaisse pour perforer cette première rangée, puis elle se relève ; pendant ce second mouvement, le châssis avance sous la platine et présente la deuxième rangée de timbres à l'appareil perforateur.

Après 17 avancements successifs de la crémaillère, la perforation des cinq feuilles est achevée ; la crémaillère et le châssis sont rejetés en arrière et on engage un nouveau châssis préalablement garni.

La fabrication des timbres-poste est terminée sur cette dernière opération. Il ne reste plus qu’à les distribuer dans les bureaux de poste du territoire. C’est l’affaire de l’Agence comptable du timbre. C’est elle qui a la charge d’approvisionner les recettes principales des chefs-lieux de départements. Ces derniers ravitaillent ensuite les bureaux de poste secondaires.

Notre timbre peut se diviser en trois types :

1° De 1 centime à 3 centimes : type Blanc ;

2° De 5 centimes à 35 centimes : type Semeuse ;

3° De 40 centimes à 5 francs : type L.O. Merson.

On ne se doute pas du nombre formidable de timbres qui est imprimé chaque année.

Je citerai, comme exemple, le chiffre de 1919. On a imprimé cette année-là, pour la France et l’Algérie, 2 milliards 400 millions de timbres ; il s’agit du nombre de timbres et non de la somme qu’ils représentent.

Dans ce total, la figurine de 15 centimes entre pour 1.100 millions d’unités ; celle de 5 centimes, pour 550 millions ; celle de 1 centime pour 118 millions ; celle de 25 centimes pour 96 millions.

En outre, on a imprimé 56 millions de timbres pour les colonies, dont 17 millions pour la Tunisie et 6 millions pour le Maroc.

Les ateliers du timbre travaillent également pour la Haute-Silésie, l’Albanie et la Serbie.

 

                                                                                              François THENARD

 


Source : Notule de l’étude de M. Hector Ghilini.

Figure N° 1 -

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L’arrivée des feuilles de timbres gommées.

Elles ont accompli un trajet de 120 mètres sur les chaînes rouleuses. Elles ont subi l’action du séchage produit par des ventilateurs à ailettes et des caissons en toile chauffés au gaz. Dix minutes après avoir été gommées, elles sont recueillies absolument séchées.


Figure N° 2 -

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Les feuilles de timbres qui viennent d’être enduites de gomme sont saisies et fixées l’une à la suite de l’autre, ce qui donne l’illusion qu’il s’agit d’une feuille continue. Un ouvrier margeur surveille la présentation de chaque feuille qui est transportée mécaniquement sur une série de tambours

 

Figure N° 3 –

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Voici la machine à gommer les cartes télégrammes. Le principe est le même que celui de la machine à gommer les timbres, mais, ici, on ne gomme que le bord qui doit être collé.

 

Figure N° 4 –

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Les mandats, portant le même numéro, sont disposés par tas sur une table tournante. Au passage, des ouvriers prennent au fur et à mesure une feuille de chaque numéro pour constituer un cahier de mandats. Ce procédé n’est plus employé que pour les mandats tunisiens, marocains et la Principauté de Monaco. Les autres mandats sont imprimés et numérotés dans l’ordre par la même machine.